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| Les Troupes coloniales à l'épreuve de la Révolution française | |
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poddichini Membre d'honneur
Nombre de messages : 84201 Localisation : Cismonte Thème de collection : Coloniale et colonisation - uniformes, coiffures, archives Date d'inscription : 06/08/2014
| Sujet: Les Troupes coloniales à l'épreuve de la Révolution française Sam 3 Juin 2017 - 15:38 | |
| Bonjour à tous, voici une rentrée fort intéressante ce jour, une affiche de recrutement dans les Bataillons coloniaux, d'août 1816. Elle est présentée en détail ci-après, dans un texte qui tente d'expliquer l'évolution des Troupes coloniales pendant la période révolutionnaire. Elle est accompagnée d'un autre document de mes archives. Les bataillons et régiments des colonies existent depuis le XVIIème siècle. Ils servent à encadrer et assurer l'ordre dans les colonies du Premier Empire colonial français, centré sur le continent américain. En 1781 est formé un bataillon auxiliaire des régiments des colonies. Son objectif est de partir pour les colonies, pour assurer la sécurité des ports français, l'arrivée de sa flotte, la sécurisation de son armement. C'est l'île de Ré (Rhé) qui est choisie pour être le lieu de rassemblement des recrues de ce nouveau bataillon. Une fois les recrues habillées, armées, elles partent pour les îles : Guadeloupe, Martinique, Isle-de-France (Maurice), Isle Bourbon (La Réunion), quelques villes également, comme Port-au-Prince, le Cap, Pondichéry. Ce régiment existe à peine onze ans : la Révolution arrive : les régiments coloniaux n'ont plus grande utilité dans les colonies car le pays entre en guerre contre ses puissances voisines : une loi du 27 août 1792 transforme les régiments coloniaux en régiments de ligne ; ils entrent donc dans l'armée de terre. Si l'on étudie cette loi, dont un exemplaire se trouve dans ma collection, on se rend compte que cette décision fut prise face à l'urgence de la situation en métropole : la guerre. Les régiments coloniaux se trouvant alors en métropole sont réorganisés et transformés en régiments de ligne, avec le même avancement. Sont concernés trois régiments coloniaux : celui de la Martinique, celui de la Guadeloupe, celui de Port-au-Prince. Les grades sont conservés. Deux régiments coloniaux, ceux de Guadeloupe et de Martinique, fusionnent en un régiment de ligne. Le régiment colonial de Port-au-Prince, quant à lui, forme un bataillon, par manque d'effectif pour former un régiment. Le retour progressif des hommes des colonies vers la métropole a permis, par la suite, de transformer ce bataillon en régiment. Au cours de la Révolution, en 1795, la citadelle de l'île de Ré, ayant perdu son rôle d' « embarcadère » vers les colonies, redevient active, transformée en dépôt pour de nouvelles troupes appelées Troupes de marine. Mais, ces Troupes de marine n'attirent pas les foules : elles ne sont pas une vocation. Les vocations militaires entraînent bien plus souvent les jeunes hommes vers les régiments de ligne. Alors, comment garnir ces Troupes de marine ? Comment constituer les bataillons ? L'île de Ré accueille à ce moment-là, aussi, des conscrits réfractaires, des prisonniers politiques : ils vont donc devenir les recrues de fait des Troupes de marine. Des soldats coloniaux vont aussi garnir ces nouvelles troupes. A la fin du XVIIIème siècle, la Révolution, quasiment terminée, voit apparaître de nouveau des bataillons coloniaux ; mais cette fois-ci, ils ne sont plus l'apanage des ports atlantiques. Ainsi, Le Havre, grand port sur la Manche, voit naître un dépôt colonial, par un décret daté du 25 décembre 1801. Le recrutement est identique aux Troupes de marine : des réfractaires, voire même des déserteurs, des soldats issus des colonies. Dans les colonies même sont créés des bataillons, comme celui de la Guadeloupe, en janvier 1802. Au-delà de ces « mauvais garçons », on recense une faible part de volontaires, et quelques étrangers aussi. Mais, ces volontaires sont issus des prisons étrangères. Une fois libérés, ils veulent s'embarquer pour une nouvelle aventure les menant vers les colonies du Consulat. Ainsi, ce nouvel élan donné aux bataillons coloniaux permet de fournir en soldats, sous-officiers et officiers la Martinique, la Guadeloupe, mais aussi l'Isle Bourbon. Il est intéressant de noter que, après les guerres menées avec les puissances européennes en plein cœur de la Révolution, un grand nombre d'anciens émigrés ( ces émigrés sont souvent des Nobles ou des Bourgeois. Ils avaient quitté le royaume de France à partir de la deuxième moitié de 1789) sont revenus sur le territoire national et, pour échapper aux poursuites, se sont engagés dans les bataillons coloniaux, afin de partir loin de la métropole, vers les colonies. On compte aussi des déserteurs, qui s'étaient engagés dans les armées étrangères, notamment l'armée autrichienne. En 1802, Bonaparte, par encore Napoléon Ier, réorganise les bataillons coloniaux et leur recrutement : le dépôt du Havre est fermé après avoir envoyé les dernières recrues aux colonies antillaises ; celui de l'île de Ré fait de même. Le 11 décembre 1802, soir le 20 frimaire an XI pour le calendrier révolutionnaire, six nouveaux dépôts sont créés, plus harmonieusement disposés sur le territoire français : Dunkerque, Le Havre, Nantes, île de Ré, dépendant de la commune de Rochefort, Bordeaux et enfin Marseille. Les rapports des commandements de ces dépôts parlent des recrues : souvent ce sont des prisonniers, encore des déserteurs, des conscrits réfractaires comme par le passé, des voleurs, même des mendiants. Ce sont aussi des hommes qui se sont retrouvés là par décision du préfet de leur département. On recrute large, faute de candidats volontaires visiblement. Mais, pourtant, on stipule officiellement que toutes les recrues sont volontaires pour s'engager dans les bataillons coloniaux. En 1803, les dépôts croulent sous les recrues. La guerre avec l'Angleterre (guerres de la Deuxième puis Troisième Coalitions) fait rage, il n'y a pas assez de navires et d'armement pour transférer petit à petit les bataillons vers les colonies. Alors, dans l'objectif de soulager des dépôts déjà complets, le Premier Consul fait créer deux nouveaux dépôts, un à Aiacciu, l'autre à Villefranche-sur-Mer, sur la Côte-d'Azur. Au vue de la continuation de la guerre, une partie des recrues est enrôlée dans les régiments de ligne, à l'image de ce qui s'était passé en 1792. Le dépôt d'Aiacciu fut créé par le général Morand, commandant de la 23ème Division militaire, par décision du 7 octobre 1803, le 14 vendémiaire an XII pour le calendrier révolutionnaire. Pour garnir ce dépôt insulaire, on prend « tous les hommes venus ou qui viendront en Corse des dépôts coloniaux, non susceptibles d'être incorporés », sous entendu dans les autres corps de l'armée française. En cette même année 1803, nouvelle réorganisation : le dépôt de Bordeaux est supprimé ; on fait partir comme on peut, à l'aide de navires commerciaux, une grande partie des recrues vers les colonies, à Saint-Domingue, à la Martinique et à la Guadeloupe, alors que le reste de ces soldats est envoyé garnir les régiments de métropole pour la guerre. A partir de 1803, les recrutements se poursuivent, sept dépôts coloniaux sont en place, le huitième, celui d'Aiacciu, a été transformé en régiment d'infanterie légère corse. En 1804, un rapport est signé afin de régler la marche à suivre dans les dépôts des bataillons coloniaux, le 4 septembre 1804, soit le 17 fructidor an XII pour le calendrier révolutionnaire : les dépôts coloniaux doivent « à l'avenir, être considérés comme des maisons de correction militaire ». Il apparaît dans ce rapport qu'une attention toute particulière est portée aux mutilés volontaires et aux « simulateurs ». En 1809, un nouveau 1er bataillon colonial est créé en Batavie, à Flessingues, regroupant un peu plus de 2000 hommes : les étrangers présents dans le bataillon changent de nationalité : aux nombreux Belges et Allemands d'antan voient arriver des prisonniers de guerre du Piémont, de Hollande, d'Espagne, d'Autriche. La vocation coloniale des débuts semble passée. Deux années plus tard, par les décrets des 3 et 20 août 1811 sont créés quatre bataillons de pionniers coloniaux dont les recrues sont prises parmi les plus mauvais sujets des autres bataillons de réfractaires et de conscrits de l'Empire. On prenait également parmi les bataillons étrangers les hommes à qui l'ont pouvait moins se fier. Ces pionniers ne devaient donc pas tenir le fusil mais les outils nécessaires pour être au service des Ponts et Chaussées. Chaque bataillon était composé de quatre compagnies de cent hommes. Les officiers et les sous-officiers faisaient partie du décompte. Ces bataillons de pionniers coloniaux ne sont pas des remplaçants des bataillons coloniaux : ce sont de nouveaux bataillons stationnant à Flessingues, en Corse, sur l'île de Ré, puis Oléron, et enfin à Belle-Île-en-Mer. Quelle différence alors entre les deux types de bataillons ? Les bataillons coloniaux tiennent le fusil, les bataillons de pionniers coloniaux tiennent la pioche. Par la suite, la situation politique et militaire du pays s'aggrava sérieusement : la monarchie est restaurée dans le pays en avril 1814. Le nouveau roi est son gouvernement provisoire réorganisent fortement l'armée ; les bataillons coloniaux ne sont pas en reste : on ramène leur chiffre à la baisse : une ordonnance du 28 octobre 1814 stipule que les 3ème et 4ème bataillons de pionniers coloniaux sont incorporés dans les 2ème et 3ème bataillons coloniaux. Les hommes du 2ème bataillon de pionniers coloniaux, un temps impossibles à localiser, ont rejoint finalement le 2ème bataillon colonial. La Première Restauration reste dans les mêmes tons que l'Empire concernant le recrutement dans les bataillons coloniaux : des mauvais garçons, des réfractaires, des indisciplinés. Ainsi, deux textes, l'un du 23 avril, l'autre du 8 octobre 1814, exposent le fait qu'il faut revenir aux principes de l'ancienne discipline. Ainsi, il semblerait que la monarchie ne compte plus que sur ces hommes pour composer les bataillons coloniaux, non plus sur les déserteurs, encore moins les volontaires. Les Cent-Jours, de mars à juin 1815, sont passés ; l'Empereur est condamné à l'exil ; le 8 juillet 1815, Louis XVIII retrouve Paris et son trône, c'est la Seconde Restauration, et le réel rétablissement d'une monarchie en France. C'est alors que le document ci-dessous, ma rentrée du jour donc, prend tout son sens, puisqu'en 1816, une nouvelle organisation des bataillons coloniaux est dans les papiers : trois bataillons sont créés, un à destination de l'île Bourbon, l'autre à destination du Sénégal, l'autre enfin pour la Guyane. L'histoire est célèbre pour le bataillon du Sénégal, puisque le bataillon s'embarque sur la Méduse. Au total, près de 350 hommes, qui vont faire naufrage sur la banc d'Arguin, banc de sable au large de l'actuelle Mauritanie. Les survivants se construisent un radeau, que Théodore Géricault a peint, l'une des œuvres picturales les plus célèbres aujourd'hui. 10 personnes ont survécu à ce naufrage. Aussi, l'intérêt de mon document est multiple : les départements informent donc des conditions de recrutement dans les bataillons coloniaux : l'offre est importante, la demande est présente. Mais, comme on le voit dans ce document, tout le monde ne peut avoir sa chance dans ces bataillons : il y a des conditions d'âge : 18 à 30 ans pour les jeunes gens, moins de 40 ans pour les anciens militaires ; il y a aussi des conditions physiques : une certaine taille est requise pour espérer intégrer ces bataillons coloniaux : 4 pieds 11 pouces, soit 1,50 m précisément. Autre condition importante : on exige de ces recrues une bonne conduite (regarde-t-on leur passé ?) et leur fidélité au nouveau roi, Louis XVIII. Enfin, deux Légions d'infanterie sont mises sur pied pour les deux colonies des Antilles : le n°88 pour la Martinique, le n°89 pour la Guadeloupe. Quelques années plus tard, en août 1822, les régiments d'infanterie et d'artillerie de marine voient le jour, les ancêtres des Troupes coloniales. Qu'en est-il, enfin, de l'uniforme porté par ces bataillons coloniaux ? Il apparaît finalement qu'il a peu évolué : un fond gris/bleu, des parements, des revers et un collet rouges. Une doublure blanche, tout comme le pantalon. Les hommes portent un shako, avec une plaque en cuivre avec, en son centre, le numéro du bataillon. En 1816, date de mon document, l'uniforme change de couleur est devient entièrement gris couleur fer, avec un centre bleu, des boutons blancs. Enfin, une hausse de col existait pour ces bataillons : en 1816, on retrouve au centre une ancre de marine, avec, par dessus, quatre drapeaux, deux à gauche, deux à droite, et par dessus à nouveau, en plein centre, trois fleurs de lys royales. Au sommet de l'ancre, la couronne est là aussi pour rappeler la royauté. Source : https://rha.revues.org/6032 Marc Lebrun, « Révolution, Empire et mauvais soldats », Revue historique des armées [En ligne], 244 | 2006, mis en ligne le 01 octobre 2009, consulté le 26 mai 2017. URL : http://rha.revues.org/6032
http://theses.univ-lyon2.fr/documents/getpart.php?id=lyon2.2007.brevet_m&part=127894
http://www.troupesdemarine.org/traditions/histoire/hist003.htmPoddichini. |
| | | poddichini Membre d'honneur
Nombre de messages : 84201 Localisation : Cismonte Thème de collection : Coloniale et colonisation - uniformes, coiffures, archives Date d'inscription : 06/08/2014
| Sujet: Re: Les Troupes coloniales à l'épreuve de la Révolution française Sam 3 Juin 2017 - 17:03 | |
| Il est intéressant de voir l'évolution de la dénomination des troupes coloniales, d'abord appelées ainsi, puis bataillons coloniaux, puis troupes de marine, puis à nouveau troupes coloniales et aujourd'hui donc troupes de marine.
Poddichini |
| | | poddichini Membre d'honneur
Nombre de messages : 84201 Localisation : Cismonte Thème de collection : Coloniale et colonisation - uniformes, coiffures, archives Date d'inscription : 06/08/2014
| Sujet: Re: Les Troupes coloniales à l'épreuve de la Révolution française Sam 10 Juin 2017 - 8:30 | |
| Bonjour, Une petite découverte au dos de l'affiche : Poddichini |
| | | dedindo Aspirant
Nombre de messages : 496 Age : 56 Localisation : Gironde Thème de collection : Affiches , uniformes de WW1 à Algérie Date d'inscription : 27/04/2013
| Sujet: Re: Les Troupes coloniales à l'épreuve de la Révolution française Lun 12 Juin 2017 - 16:28 | |
| Bonjour, Très intéressant !! Je pensais que l'appellation "Troupes Coloniales" était bien plus récente ! Cordialement
Vincent |
| | | poddichini Membre d'honneur
Nombre de messages : 84201 Localisation : Cismonte Thème de collection : Coloniale et colonisation - uniformes, coiffures, archives Date d'inscription : 06/08/2014
| Sujet: Re: Les Troupes coloniales à l'épreuve de la Révolution française Lun 12 Juin 2017 - 18:56 | |
| Bonsoir Vincent,
je vous remercie. Oui, l'appelation est ancienne. Leur composition a aussi évolué au fil du temps.
Poddichini. |
| | | uchronie Je fais partie des murs
Nombre de messages : 17101 Localisation : sud ouest Thème de collection : tout Date d'inscription : 01/11/2016
| Sujet: Re: Les Troupes coloniales à l'épreuve de la Révolution française Lun 12 Juin 2017 - 19:12 | |
| Bonsoir , de très beaux documents à l'appui d'un post très instructif et clair. Merci. Cordialement |
| | | poddichini Membre d'honneur
Nombre de messages : 84201 Localisation : Cismonte Thème de collection : Coloniale et colonisation - uniformes, coiffures, archives Date d'inscription : 06/08/2014
| Sujet: Re: Les Troupes coloniales à l'épreuve de la Révolution française Lun 12 Juin 2017 - 19:48 | |
| Je vous remercie uchronie.
Poddichini |
| | | poddichini Membre d'honneur
Nombre de messages : 84201 Localisation : Cismonte Thème de collection : Coloniale et colonisation - uniformes, coiffures, archives Date d'inscription : 06/08/2014
| Sujet: Re: Les Troupes coloniales à l'épreuve de la Révolution française Lun 12 Juin 2017 - 21:22 | |
| Concernant ces documents, je suis en effet bien content de les compter dans ma collection, notamment l'article de loi.
Poddichini |
| | | Contenu sponsorisé
| Sujet: Re: Les Troupes coloniales à l'épreuve de la Révolution française | |
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| | | | Les Troupes coloniales à l'épreuve de la Révolution française | |
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